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CANNE DE PROVENCE Roseau à musique Arundo donax L. Graminées

(PETITE ETHNOBOTANIQUE MÉDITERRANÉENNE, Lieutaghi)
Avec le vent, les Graminées ont passé un accord très ancien. De beaucoup d'entre elles, il transporte au loin les fruits, de toutes le pollen. En contrepartie, l'exclusive volupté de caresser longtemps la chevelure des steppes, des prairies, des dunes, des roselières scintillantes. Cochevis, alouettes, busards. sarcelles habitent son plaisir ondoyant. Plantes d'air au point de se faire creuses pour l'accueillir en elles, les Graminées ont pour premier rôle d'alléger la Terre, d'estomper la limite entre terrestre et céleste. Qui s'allonge dans une prairie de juin s'expose à leur savoir d'imprécision; un peu plus et l'on partirait avec l'hirondelle. Et aussi bien, quand on entre dans la conversation tintante des cannisses, un jour de mistral en bord de Rhône, on s'expose au péril de légèreté jusqu'à en oublier les camions sur l'autoroute, le panache de vapeur des centrales, la lourdeur de nos traces dans le temps du monde. Il fallait parler de la canne de Provence pour que le vent du Sud trouve dans ces pages un témoin à sa mesure. C'est un grand roseau de 2 à 5 et jusqu'à 6 m, à rhizome rampant très épais, coriace, noueux, très ramifié en segments enflés (allure de tubercules allongés), annelés, munis de racines fibreuses tenaces. Les tiges creuses (dites "chaumes"), de structure analogue à celle d'une fétuque ou d'une avoine, cloisonnées aux nœuds tous les 12 à 30 cm, de l à 2,5 (-4) cm de diamètre, sont d'abord herbacées, tendres, puis se lignifient et s'imprègnent de silice. A maturité, le chaume est très lisse, luisant, jaunâtre à ocre paie; il peut rester simple ou se ramifier à partir de la deuxième année, surtout dans le haut. Les nombreuses feuilles alternes sur 2 rangs, très longues, largement linéaires, aiguës (1-8 x 10-60 cm), d'un vert glauque, engainent la tige par leur base tubulaire. Les fleurs nombreuses, très petites, à écailles mêlées de longs poils blancs26, sont réunies en panicules terminales fuselées, longues de 3060 cm, qui se développent de juillet à novembre sur les tiges de 2 ans. La plante ne fructifie pas dans nos contrées.
Dans l'immense famille cosmopolite des Graminées27, qui compte environ 9000 représentants, le genre Arundo est le seul en Europe à comporter des espèces assimilables à des plantes ligneuses, même si la structure très particulière de leur tige diffère beaucoup de celle des arbres et arbrisseaux courants. Ici, c'est l'architecture très sophistiquée du chaume, cylindre creux à fibres (bandes longitudinales de sclérenchyme, tissu de soutien) implantées sur des nœuds faisant office de renfort et de tendeurs, qui assure le maintien, la résistance et la souplesse de la tige. "Ainsi se trouve réalisée la structure remarquable qui permet à des Graminées d'avoir une tige 500 fois plus longue que leur diamètre; qu'on imagine [...] un tube dressé de 500 m de haut pour l m de section28."
Contrairement aux apparences, la canne de Provence et les espèces voisines de la tribu botanique des Arundinées ne se situent pas, dans la classification des Graminées, au voisinage des bambous. Ceux-ci appartiennent à la tribu quasi homonymique mais bien distincte des Arundinariées, surtout asiatique (mais aussi de l'Afrique et de l'Amérique tropicales), dont plusieurs genres sont cultivés pour l'ornement en Europe (Arundinaria, Phyllostachys, Pleioblastus, Sasa, etc.). Sur un mode mineur, la canne de Provence a induit, dans son aire méditerranéenne, un certain nombre des emplois du bambou asiatique, dont on connaît la place fondamentale dans l'économie comme dans les cultures d'Extrême-Orient 29.

ORIGINE, HABITAT, DISTRIBUTION
Probablement originaire d'Asie centrale, où elle fructifie (Iran, Afghanistan), la canne30 de Provence a très anciennement gagné le Proche-Orient et le pourtour méditerranéen. A mesure de ses conquêtes, l'homme l'a répandue dans la plupart des régions tempérées-chaudes et subtropicales du on la trouve installée aussi bien en Chine qu'en Afrique du Sud, Australie et dans les deux Amériques.
Exclusif des lieux humides (piscine naturelle, marécages, bord des eaux, des canaux, des fossés, points d'eau), ce grand roseau résiste bien aux sécheresses estivales dès l'âge de 2 ou 3 ans, lorsque le rhizome s'est développé et que les racines ont pu gagner les réserves de fraîcheur du sous-sol. Avec l'âge, la souche acquiert un développement considérable. Elle forme alors des masses compactes que les crues dénudent el transportent parfois jusqu'aux rivages de la mer - où plus d'un, à la plage, s'interrogera sur l'origine de ces curieux assemblages de moignons et de pipes atrophiées, les traces des anciennes tiges. Stérile dans la plupart de ses pays d'adoption, la canne de Provence s'étend vigoureusement par la voie végétative, et d'autant mieux que le sol est à la fois humide, meuble et fertile. Les fortes crues peuvent aider à sa propagation, mais ses rhizomes contribuent à la fixation des rives.https://simulation-impots.net/
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Arundo donax est très répandu en France méditerranéenne, Corse comprise. Sur le continent, il est omniprésent dans toutes les régions alluviales de la Provence et du Languedoc, où les sables humides non ou très peu saumâtres du littoral lui sont particulièrement favorables. Dans les zones collinéennes, il suit l'eau jusque vers 700 m. On le retrouve communément dans le Sud-Ouest et les vallées du Dauphiné. La canne de Provence croît sur tout le pourtour méditerranéen, le plus souvent en peuplements naturalises, "semi-cultivés" (coupes et brûlis des déchets), parfois plantée sur de larges surfaces pour des usages industriels. C'est un brise-vent des plus courants dans l'optimum de son aire.

Roseau de Pline Arundo plinii
Dédié à Pline ['Ancien, qui en parle dans son Histoire naturelle (op. cit., XVI, 161), c'est un modèle réduit du précédent. Les chaumes, de l à 2m de haut et 3-7 mm de diamètre, portent des feuilles larges de l (-2) cm au plus, d'un vert franc, non glauque; les épillets (éléments primaires de Inflorescence) sont plus petits, avec l ou 2 fleurs contre habituellement 3 chez Arundo donax... L'habitat est le même, avec peut-être une plus grande aptitude à s'écarter de l'eau.
Le roseau de Pline est dit "du Reno" chez cet auteur : il s'agit dun fleuve côtier du nord de Ravenne, où l'on récoltait ses chaumes pour faire des flèches. Commune sur les rives de ce cours d'eau, l'espèce jours appelée canna del Reno en Italie centrale. Plus exigeant en chaleur que son parent élevé, A. plinii ne s'éloigne pas des régions littorales, un i^ rencontre sur à peu près tout le pourtour méditerranéen. En France, semble avoir été assez commun autrefois dans les Alpes-Maritimes Var d'une part, l'Aude et les Pyrénées-Orientales d'autre part (il était aussi présent dans le S.-O. de la Corse), c'est aujourd'hui l'une de nos plantes les plus localisées. Les aménagements des zones humides littorales et l'extension urbaine généralisée font qu'on ne le connaît plus avec certitude que dans la région de Fréjus (Var). Comme, à première vue, cette espèce est facile à confondre avec le commun Arundo donax, il n'est pas exclu qu'on puisse la retrouver ailleurs dans ses anciennes localités. Cette éventualité n'empêche pas Arundo plinii de figurer au Livre rouge de la flore menacée de France (l, 1995) et de bénéficier d'une protection au niveau régional.


Roseau à balais Roseau commun Phragmites australis
Bien que non ligneuse, cette espèce très répandue est à citer au voisinage des Arundo, ses proches parents. C'est une plante sociale, cosmopolite, qui rassemble des foules bruissantes et empanachées dans les marécages et au bord des eaux calmes de presque toute la Terre (à l'exception de quelques régions tropicales). Grâce à un rhizome extrêmement prolifique, le roseau à balais arrive à constituer des peuplements très étendus, exclusifs de toute autre espèce (roselières). A partir des rives, il progresse vers te centre des étangs en édifiant de vrais radeaux de rhizomes entrelacés et de tiges sèches.
Le genre Phragmites (nom grec d'un roseau qui servait à faire des clôtures) se distingue des Arundo par des tiges non ligneuses faciles à écraser entre les doigts, et aussi par des inflorescences élémentaires (épillets) aux écailles les plus inférieures (glumes) nettement inégales, quand elles sont à peu près égales chez les cannes. Les panaches floraux sont habituellement tournés d'un seul côté. Très variable, Phragmites australis, qui mesure ordinairement de 0,50 à 2,50 (-3,50) m, peut atteindre jusqu'à 6 m dans des populations méridionales (var. isiacus Cosson et Dur.).
Les emplois de ce roseau universellement répandu, surtout récolté pour la fabrication des toits de chaume, recouvrent fréquemment ceux des Arundo. Il arrive même que des ouvrages confondent les indications médicinales des deux genres. Une mise au point n'est pas superflue, qui ne peut être donnée ici où l'on fera toutefois, à des fins comparatives, une certaine place au roseau à balais.

USAGES DES ROSEAUX
• Propriétés médicinales

Inusités en phytothérapie actuelle, les roseaux ont des emplois médicinaux très anciens. L'une des premières mentions écrites qui nous en soient parvenues est due à Dioscoride (l, 97). Leur racine, écrit-il en premier lieu, "simplement appliquée", fait sortir du corps les épines et les flèches. De même remédie-t-elle aux luxations et aux douleurs de la colonne vertébrale. Les feuilles vertes, broyées, calment l'érysipèle et les autres inflammations externes. Les cendres de "l'écorce", mêlées à du vinaigre, combattent la chute des cheveux. Jusqu'au xvii» siècle, les matières médicales répéteront ces indications qui reposent, pour une part, sur le principe d'analogie ; la plante qui sert à faire des flèches peut aussi en guérir les blessures (et, de surcroît, sa racine torse s'oppose à la rectitude du trait); les articulations solides annoncent le pouvoir de réparer celles qui sont demises. Pline (op. crt., XXIV, 87) ajoute que le rhizome frais, broyé dans du vin, "excite à Venus" - ce qui n'est pas sans rapport avec les attributions mythologiques ; voir plus loin. Les textes antiques, cependant, ne distinguent pas les diverses espèces de roseaux dans l'emploi médicinal.

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En dépit du grand nombre de prescriptions recensées par J. Bauhin, en 1651, dont une recette contre l'alopécie qui associe la racine au vinaigre et à la graisse de lion, animal à la lignasse réputée31, te roseau ne se propagera plus guère dans les siècles. Dans les années 1930, le Dr H. Leclerc se souviendra pourtant des anciennes indications diurétiques et d une propriété sudorifique attribuée par J. Bauhin, entre autres, à la moelle des tiges32. Il publiera des observations sur les bons effets de la racine de Phragmites australis "dans les affections des voies urinaires se traduisant par de l'oligurie et par rémission d'urines sédimenteuses". C'est un médicament dont il a obtenu "de fréquents succès chez les oxaluriques et chez les goutteux33". Outre l'effet diurétique, le roseau à balais exerce une action sédative locale (cystalgies). L'accroissement de l'excrétion urinaire, Q1" concerne en particulier l'urée, se double "d'effets sudorifiques très nets . semble que les propriétés du roseau commun et de la canne de Provence doivent ici être distinguées, faute de travaux modernes sur la cofflposition et l'action comparées de ces plantes.
La médecine populaire méditerranéenne (Italie, France, Espagne, sans doute ailleurs) a longtemps considéré la racine des cannes comme un antilaiteux des plus efficaces. Les femmes qui voulaient "faire passer leur lait" en buvaient dans la journée la décoction de 3O g pour 3/4 l d'eau. On s'en servait aussi chez l'animal. Réguis (1897) dit que cet usage régresse parce qu'il rend les seins "mous, flasques, pendants". L'écho de cette pratique survivait encore en Vaucluse dans les années 198034. Une activité hormonale n'est pas à exclure car des textes anciens relatent aussi des effets emménagogues à l'usage de la même potion. A Majorque, rapporte Font Quer (op. cit., 1973), on mettait sur les petites plaies le disque blanc, "parfaitement stérile", qu'on trouve dans l'entrenœud des cannes sèches, qui provient de la résorption de la moelle.
Les vieux traités médicaux, depuis Galien (ir siècle), mettent en garde contre les poils de l'inflorescence des roseaux : "La laine déliée de l'espi de roseau, si elle tombe aux aureilles, elles les estoupe et fait sourdesse difficile à guérir" (Dodoens, 1557). Bien que cité par la plupart des auteurs à propos de Phragmites et d'Arundo, ce genre d'accident est plutôt à imputer aux massettes (Typha latifolia L. et espèces voisines), le "roseau à quenouille" si facile à reconnaître avec son épi en massue cylindrique brune.
À maturité, cette inflorescence se désagrège et libère au vent des quantités de "coton" irritant. Dans les provinces septentrionales de la Chine, où Phragmites communis tient un rôle économique presque analogue aux bambous du Sud, les
jeunes pousses, feuilles et surtout inflorescences, en décoction concentrée, sont considérées comme un excellent remède du cholera et comme un antidote des empoisonnements par les poissons et les crustacés35.

• Le "bambou d'Europe"
Il est des matériaux végétaux de base qui aident au progrès technique des sociétés tout en initiant des processus formateurs de la pensée, sinon des métamorphoses de l'âme. Ainsi de la plante à tige creuse. Elle est récipient, étui, fourreau, flotteur, flèche. Elle conduit l'eau. Mais elle s'ouvre aussi au souffle, elle répond en chantant. Et quand on la plie pour tendre la corde, l'arc est aussi habité par une voix. Les roseaux connaissent le murmure des dieux.
Plante à tout faire de l'artisanat paysan du Sud, la canne est citée comme une culture commune par les premiers naturalistes et agronomes de l'Antiquité. Théophraste, quatre siècles avant notre ère, lui consacre une vraie monographie qui en détaille les variétés et les emplois respectifs (op. cit., IV, l), il évoque les brûlis rénovateurs des peuplements, pratique explicitée par Columelle, au ler siècle : "Quand ils sont maigres, (il faut) les aider avec de la cendre, ou avec toute autre espèce de fumier; c'est dans cette vue que la plupart mettent le feu dans les roseaux après la coupe (De agricultura, IV, 31). Ces brûlis des cannaies restent pratique habituelle en région méditerranéenne.
... (+ encore 6 pages)

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