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Extrait de "Le livre des arbres, arbustes & arbrisseau", P. Lieutgaghi, Actes Sud

Fusains

Euonymus L. Célastracées
Les deux Fusains de notre flore ont en commun les caractères suivants : ce sont des arbrisseaux ou des arbustes à feuilles opposées caduques, courtement pétiolées, ovales ou oblongues, rétrécies au sommet, finement dentées. Les fleurs, petites, blanchâtres ou brunâtres, réunies en cymes pédonculées à l'aisselle des feuilles, ont 4-5 sépales, 4-5 pétales séparés insérés avec les 4-5 étamines sur un disque charnu, 1 style surmontant un ovaire libre. Les fruits sont des capsules charnues, d'abord vertes, puis d'un joli rose, à 4-5 lobes s'écartant à maturité et découvrant des graines d'un orange vif et brillant*.

Détermination des espèces
Jeunes rameaux munis de 4 lignes longitudinales liégeuses qui les font presque quadrangulaires, verts ; feuilles dépassant très rarement 10 cm, finement dentées, munies d'un réseau serré de veines transliicides bien visibles par transparence ; fleurs blanchâtres à (ordinairement 4 pétales ; fruit de 10-15 mm à 4 lobes épais, arrondis sur le dos ; Euonymus europaeus L. Fusain d'Europe
Jeunes rameaux arrondis, bruns ou verdâtres ; feuilles dépassant souvent 10 cm, très finement dentées à veines peu serrées, opaques ou peu translucides ; fl. brunâtres à (ordint 5 pétales. réunies sur un pédoncule commun bien plus long que dans l'espèce précédente, pendant" a maturité ; fruit plus gros, à 5 (-4) îobes très amincis sur le dos (fig. 2) ; Euonymus latifolius Miller. Fusain à larges feuilles.

Fusain d' Europe
Euonymus europaeus L.
A l'automne, sur les talus au pelage mouillé où les verdiers s'abattent en troupes inquiètes, un arbrisseau fait l'arlequin, rameaux verts, feuilles pourpres, fruits rosés ouverts sur un trésor fugace de graines vernissées. Modeste à la floraison, joli tout fêté, superbe en octobre, le Fusain s'est fait remarquer de tous les promeneurs par ses fruits de forme curieuse et de teinte rare que le langage populaire a parfaitement dépeints par les noms de Bonnet de Prêtre, Bonnet de cardinal, Bonnet carré. C'est le plus souvent un arbrisseau touffu, très branchu, rarement un arbuste pouvant atteindre 6 m. On le rencontre dans toute la France, commun ici, plus rare là, dans les haies, les buissons, les bois clairs, sur les talus dans l'Ouest, au bord des rivières, seulement en plaine et sur les basses montagnes où il dépasse rarement 800 m d'altitude. Il est disséminé en Corse. Cette espèce habite la plus grande partie de l'Europe, de la Suède au centre de l'Espagne, se retrouve dans le Caucase, le Turkestan, en Asie Mineure et en Sibérie occidentale.

Fusain à larges feuilles
Euonymus latifolius Miller
Ce Fusain est voisin du précédent mais plus grand dans toutes ses parties et de port plus délié. J'y vois l'arbuste féérique de nos climats quand, à maturité, il balance ses gros fruits pendants, vraies petites lanternes japonaises ornées aux angles des quatre graines de pur émail suspendues à leur funicule. Il peut atteindre 6 m de hauteur.
Le Fusain à larges feuilles est bien moins répandu que son parent des plaines. Il habite les forêts fraîches d'altitude, de 500 à l 600 m, spécialement les hêtraies, les hêtraies-sapinières, dans le Jura, les Alpes du Sud où il est assez répandu, les montagnes de la Provence (dont la Sainte-Baume), les Cévennes et les Pyrénées-Orieniales. On ne le rencontre pas en Corse. C'est une espèce propre aux montagnes du Bassin méditerranéen.
Ses usages sont ceux du Fusain d'Europe dont je ne le séparerai pas dans les lignes suivantes.

USAGES DES FUSAINS
Toxicité

Les Fusains ont des fruits très toxiques, responsables de maints empoisonnements. Les feuilles ne sont pas moins vénéneuses. On attribue à un glucoside, l'évonymine, les effets délétères observés sur l'homme et sur les herbivores mais le poison est encore mal localisé. Il suffit, d'ailleurs, de savoir que l'ingestion des fruits ou des feuilles entraîne, même à faible dose, de graves accidents gastro-intestinaux, à forte dose des .syncopes, des convulsions, la mort. L'Euonymos de Théophraste et de Pline n'était nullement notre Fusain. Une certaine similitude dans la toxicité a cependant conduit les naturalistes de la Renaissance (le Moyen Age, curieusement, paraît ignorer la plante) à attribuer à notre plante indigène le pouvoir vénéneux élevé de l'arbrisseau de Lesbos décrit dans l'Histoire des plantes, l'ils ne croyaient pas distinct du Fusain vrai. La toxicité de ce dernier est sûre mais, pour certains, variable selon la saison (les parties vertes seraient plus dangereuses au printemps qu'en été ou à l'automne) et diversement ressentie par les herbivores. Les jeunes pousses, d'après Cazin (1850), "sont mortelles pour les moutons, les chèvres et même les vaches", mais Fournier (1948) a vu, sur le plateau de Langres, les secondes les brouter sans autre conséquence qu'une possible diminution de la lactation. Garola (op. cit., 1923 les dit vénéneuses pour les bêtes à laine.

Propriétés médicinales
La médecine populaire, qui ne reculait pas devant les remèdes héroïques offerts sans parcimonie par les champs et les bois, a trouvé jadis dans les fruits du "Bonnet de
prêtre" l'un de ses purgatifs les plus puissants et les plus redoutables. Pour prévenir l'irritation des voies digestives, les paysans l'associaient à un quelconque émollient :
bouillon de veau, tisane de Mauve ou de graine de Lin.
Martin, chirurgien-major à Dunkerque, vit en 1808 un paysan se débarrasser du ténia en prenant pendant sue jours une graine de Fusain dans 150 g d'huile d'œillette et en se purgeant, le septième jour, avec cinq graines de la même plante, traitement couronné d'un plan cul qui se fit payer "de violentes coliques, de vomissements et d'une syncope"... Autant dire que l'usage interne de cette plante est à proscrire.
A l'extérieur, le Fusain peut être utilisé sans risque, bien qu'il vaille mieux faire confiance à des plantes reconnues inoffensives. On a employé la décoction des jeunes tiges et des feuilles sur les ulcères dont elle est "un détersif très énergique" (Cazin), spécialement en mélange avec la décoction de feuilles de Noyer (2 parties de cette dernière pour 1 de la première). La décoction dans du vinaigre, serait aussi, selon Fleury de la Roche (1933), "excellente pour ranimer les plaies atoniques les ulcères indolents et les pousser à la cicatrisation", mais les conseils de cet auteur, qui ne cite aucune expérimentation, ne sauraient être suivis aveuglément. Le Fusain était dans la pratique médicale campagnarde, un antiparasitaire éprouvé. La poudre des graines est efficace contre les parasites du cuir chevelu. La décoction des feuilles de l'écorce ou des fruits a été employée contre la gale et certaines dermatoses. On pourra l'utiliser, en lavages, dans la gale des chats ou des chiens (faire bouillir 15 à 30 gde fruits dans 1 litre d'eau).

Usages divers
L'écorce et les graines du Fusain sont insecticides (sur leur emploi, voir F. Tattersfield et collaborateurs, Kew Bulletin, 1948, p. 329-349). La capsule charnue est tinctoriale ; elle a servi à colorer les maroquins. En Scandinavie, on retire de l'écorce, surtout celle de la racine, une gomme qui serait analogue à la meilleure gutta-percha (Vedel).
Bois
Quand le Fusain d'Europe atteint des dimensions qui en justifient l'usage, il donne un bois de bonne qualité, jaune clair, homogène, à grain fin, caractères qui le rapprochent beaucoup du Buis dont il n'a nullement la dureté ni la lourdeur. Ce bois se travaille aisément en tout sens et convient à la marqueterie, aux menus ouvrages de tour. Les luthiers l'ont utilisé. On en a fait de nombreux objets domestiques et particulièrement des fuseaux (usage traditionnel en Espagne). C'est le "bois à faire lardoires" de Dodoens (1557), appellation qu'il a longtemps méritée dans nos campagnes. Moules à beurre ou à pain d'épice, aiguilles à tricoter, vis, chevilles, cure-dents, tuyaux de pipes sont quelques-unes de ses nombreuses utilisations passées. Qui dit Fusain, aujourd'hui, ne pense pas à l'arbuste mais au bâtonnet noir des dessinateurs qui doit sa douceur à la finesse et à l'homogénéité du bois qu'on carbonise en vase dos (il y a de bons et de mauvais "fusains", tout familier des ateliers de dessin le sait : je les soupçonne de souvent usurper leur nom). Ce même charbon de bois, pulvérisé, est l'un des meilleurs qui soient pour la fabrication de la poudre.

CULTURE
Les Fusains se multiplient aisément de graines, de marcottes et de boutures. Semées au printemps, les graines lèvent la même année ; on repique une première fois l'année suivante, en place 2 ou 3 ans plus tard. Le marcottage et le bouturage, méthodes bien plus rapides, se font aussi au printemps. Ces arbustes sont indifférents à la nature minéralogique du sol ; ils redoutent seulement l'excès d'acidité. Ils prospèrent en terres profondes et suffisamment fertiles mais acceptent toutes celles qui ne sont ni trop arides ni trop mouillées. Le Fusain à larges feuilles mérite une place isolée dans les parties plutôt ombreuses des jardins et des parcs, en sol assez frais. Le Fusain commun peut être planté en haies (pieds espacés de 30 cm et traités en têtards) mais il n'est pas moins décoratif sur une pelouse, que son parent des montagnes, au temps où, faux buisson de cocagne, il porte ses grappes berlingots redoutables.


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