Wiki com animation
Pages ayant un lien vers la page courante :
ArBres

Les Peupliers Populus sp. Salicacées

(Le Larousse des arbres)
Peupliers, famille des Salicacées, ordre des Salicales
Les peupliers sont le plus souvent des arbres de haute taille. Certaines de leurs espèces ont une croissance extrêmement rapide et sont en conséquence très exploitées. Les feuilles des peupliers sont caduques, alternes, simples, généralement grandes et à long pétiole ; elles peuvent avoir des formes très différentes, selon qu'elles poussent sur des rameaux courts et chétifs (brachyblastes) ou sur les pousses longues et vigoureuses (auxiblastes), pousses de croissance ou turions, rejets, drageons ; ce sont ces feuilles qui sont les plus variables et servent aux déterminations spécifiques. Les fleurs des peupliers, presque toujours dioïques, sont groupées en chatons pendants et apparaissent au printemps, avant les feuilles ; les fruits sont des capsules arrondies, laissant échapper à maturité de très petites graines couvertes de longs poils blancs, ressemblant à du coton.
Les peupliers, essences des régions froides et tempérées de l'hémisphère Nord, comptent une trentaine d'espèces réparties entre l'Europe, le nord de l'Afrique le nord de l'Asie jusqu'à l'Himalaya, et l'Amérique du Nord jusqu'au Mexique, mais aussi un très grand nombre d'hybrides qui, souvent, se sont eux-mêmes hybridés et dont la classification est de ce fait fort difficile. Ce sont des arbres de pleine lumière, on ne les rencontre donc pas en forêt, mais principalement au bord de l'eau. En France, seules 3 espèces sont spontanées, mais beaucoup d'autres, généralement des hybrides sont plantées dans les terrains humides et de médiocre fertilité dot l'agriculture ne pourrait tirer bon paru en vue de l'exploitation. Les peupleraies régulières sont spontanées, beaucoup d'autres ont été plantées et constituent un élément familier du paysage rural. Les peupliers sont également de très beaux arbres d'ornement, par leur port élancé et leur feuillage souvent d'un vert vif et brillant, qui prend parfois de très jolies nuances au printemps et à l'automne. Aussi les plante-t-on fréquemment en alignement au bord des routes, ainsi que dans les parcs.
Presque tous les peupliers décrits ici sont rustiques ; tous ont besoin d'air et de lumière ainsi que d'un soi profond et fertile, suffisamment humide car ils ont besoin d'eau, encore faut-il que celle-ci soit oxygénée ; les eaux stagnantes ne leur conviennent pas. On a regroupé les peupliers présentant des affinités en un certain nombre de sections : Albida ou Leuce (peupliers blancs), Tacamahaca (peupliers baumiers), Aegeiros (peupliers noirs) et Leucoides.
La section Aegeiros (du mot grec désignant le peuplier noir) ne compte en France qu'une seule espèce, spontanée dans la moitié sud du pays, P. nigra, et sa variété très répandue mais importée d'Asie, P. nigra italica. Par contre, elle comprend plusieurs espèces d'Amérique du Nord, dont certaines ont été introduites en Europe et y font l'objet d'une culture intensive. Ces espèces ont donné lieu à de nombreuses hybridations, connues sous le nom de peupliers euraméricains.
Les espèces qui constituent la section des Tacamahaca, ou peupliers baumiers, sont originaires d'Amérique du Nord et du nord de l'Asie ; certaines d'entre elles sont assez cultivées comme essences d'ornement. Elles sont remarquables par la précocité de leur foliaison d'un vert chaud, très brillant, par leurs très longs chatons jaunâtres, enfin par leur odeur aromatique.
~ Populus : c'est le nom latin du peuplier, curieusement homonyme du mot populus désignant le peuple.

Populus alba L Peuplier blanc, Aube
Le nom de cet arbre, de la section Leuce, lui a été donné à cause de la couche feutrée d'un blanc d'argent qui recouvre la face inférieure de ses feuilles, et qui est même
d'un blanc de neige sur les très jeunes pousses ; chez les feuilles plus âgées, cette couche demeuré argentée et persiste pendant tout l'été, ce qui donne au feuillage agité par le vent des reflets changeants ; les bourgeons eux-mêmes ont un revêtement feutré blanc ou grisâtre.
P. alba est en fait un nom collectif désignant plusieurs espèces ou variétés distinctes : l'aube (en Provence), P. alba var. nivea (= P. nivea), et le grisard, P. x canescens ; celui-ci résulterait d'une hybridation entre l'aube et le tremble ou bien constituerait une espèce propre et distincte.
Le peuplier blanc proprement dit ou aube (P. alba) est originaire d'Europe centrale et méridionale et d'Asie occidentale et centrale ; il est naturalisé en Afrique du Nord et en Amérique du Nord. En France, il n'est indigène que dans les vallées des fleuves côtiers de la Méditerranée, celle du Rhône, ainsi que celle du Rhin, où il est plus rare. Souvent planté comme arbre d'ornement ou d'alignement, il tolère bien le calcaire.
L'aube est un grand arbre, de croissance très rapide (13 m en 20 ans), pouvant avoir 30 m de haut sur 1 m de diamètre dès l'âge de 50 ans ; en général il ne vit guère plus
de 100 ans, mais, dans de bonnes conditions, peut atteindre plusieurs siècles. Il drageonne très abondamment ; certains de ses drageons peuvent surgir du sol jusqu'à 20 m du pied de l'arbre.
Feuilles. De deux types ; sur les drageons et sur les rameaux longs : plus ou moins triangulaires, à 3 à 5 petits lobes peu marqués, de 6 à 12 cm de long ; sur les rameaux courts et chétifs et sur les exemplaires âgés : plus petites, en forme de cœur, à dentelure sinueuse ; mais, dans les deux cas, elles sont tomenteuses et plus ou moins blanches à la face inférieure, vert foncé et brillantes dessus, à pétiole arrondi, blanc et pubescent ; elles deviennent jaune vif à l'automne.
Fleurs. Fin mars-début avril, longtemps avant l'apparition des feuilles : chatons mâles oblongs, courts, denses, à écailles crénelées, à étamines et anthères pourpres, paraissant 8 jours environ avant les chatons femelles, plus longs et plus grêles, à stigmates jaunes.
Fruits. Capsules ovoïdes et glabres, rappelant celles du tremble.
Rameaux. Jeunes, très blancs.
Bourgeons. Sees, couverts d'une couche feutrée blanchâtre.
Écorce. Longtemps lisse, gris clair ou blanchâtre.
Bois. Blanc, légèrement teinté de jaune vers le centre, léger, tenace, assez apprécié quand le fût est régulier, ce qui est rare.
• Autres noms : ypréau, blanc de Hollande.

Populus nigra L. Peuplier noir
Originaire des régions méditerranéennes de l'Europe, répandu à l'est jusqu'à la Russie du Sud (l'Oural et la Sibérie) et au sud jusqu'au nord de l'Afrique, le peuplier noir (section Aegeiros) se trouve en France à l'état spontané, non seulement près de la côte de la Méditerranée. mais le long des cours d eau ; vallées du Rhône, de la Garonne, de la Loire et même du Rhin en montagne, au bord des torrents, jusqu'à près de l 800 m, en particulier en Maurienne. Il croît souvent dans les mêmes lieux P. alba et en mélange avec lui. On l'appelle de différents noms suivant les régions (voir « Autres noms »} ; de plus, il en existe de nombreuses formes locales, tel le cultivar 'Vert de Garonne', dans le sud-ouest de la France. Dans les cultures, il a généralement été remplacé par des peupliers noirs américains et surtout par les hybrides qu'il a donnés avec eux ; en effet, ces derniers sont plus vigoureux, de croissance plus rapide et donnent un bois de meilleure qualité. De même taille que le peuplier blanc, mais à ramifications plus denses, il a une croissance aussi rapide. Comme tous les peupliers noirs, cette espèce indigène est très exigeante en eau ; elle demande des terrains bien drainés, mais supporte les inondations périodiques. Il lui faut aussi beaucoup de lumière, mais elle redoute l'assèchement estival. N'étant pas une espèce sociale, elle doit être plantée à larges espacements.
L'utilisation du peuplier noir par la pharmacopée est fort ancienne. Ses bourgeons floraux contiennent un glucoside, le populoside, ainsi que des dérivés flavoniques, et sont indiqués contre la polyarthrite, les rhumatismes, la bronchite et les affections des voies urinaires ; leur action est diurétique, diaphorétique, balsamique et expectorance. On en préparait une pommade, l'"onguent populeum", contre les inflammations, les crevasses, les gerçures, les douleurs rhumatismales et les hémorroïdes.
Feuilles. Vert franc, plus claires que celles du peuplier blanc, glabres sur les deux faces, généralement; un peu plus longues que larges (5 à 10 cm de long sur 4 à 8 cm de large), brièvement dentées, non lobées ; sur les rameaux longs, grandes, ovales-triangulalres, à pétiole mince et glabre ; sur les rameaux courts, losangiques et plus petites,
Fleurs. Chatons d'abord courts et coniques, puis cylindriques mais moins longs que ceux de P. alba, à écailles glabres ; mâles, de 4à 6 cm de long, rouge violacé, souples, peu durables ; femelles, vert jaune, rigides, de 10 à 15 cm de long.
Fruits. Capsules ovoides en grappes serrées, recourbées.
Rameaux. Glabres, oranges, devenant gris cendré la deuxième année,
Bourgeons. Petits et visqueux.
Ecorce. Très vite crevassée et noirâtre.
• Autres noms : peuplier franc, peuplier charpe, peuplier, bioulasse, liard, brouillard, biouté, plboule.

Populus nigra italica Muench
Peuplier d'ltalie P. pyramidalis Roz.

Remarquable par son fût droit, garni dès la base de branches dressées, muni vers le pied de côtes saillantes séparées par de larges sillons, et par sa cime longue et fusiforme, le peuplier d'Italie (section Aegeiros) est très souvent planté dans les parcs, les jardins, en alignement le long des routes, ou pour former des haies protectrices.
Tous les peupliers d'Italie de nos régions proviennent d'un individu unique par bouturage ; ils constituent donc un clone, et sont, de ce fait, identiques et de même sexe (dans le cas présent, de sexe mâle). Les arbres mâles ont généralement un port plus étroit ; les arbres femelles sont plus larges.
La variété italica du peuplier noir est originaire d'Asie, probablement d'Iran ou d'Afghanistan ; introduite à une époque inconnue en Italie, elle y a prospéré, surtout en Lombardie, sur les bords du Pô. Introduit en France vers 1745, ce peuplier y a été planté pour la première fois le long du canal de Briare, près de Montargis, en 1749. Il n a pénétré en Angleterre que quelques années plus tard, en 1758. Au XIXe siècle, on l'a beaucoup planté au bord
des routes.
La croissance du peuplier d'Italie est très rapide (13m en 20 ans) et il peut atteindre jusqu'à 40 m vers l'âge de 50 ans. C'est alors un arbre superbe, a la fois puissant et élancé. Il peut vivre jusqu'à 200 à 300 ans. Outre son port si particulier, il se distingue des autres peupliers noirs par les traits suivants concernant ses feuilles et ses rameaux.

Populus x euramericana (Dode) Guinier
Peuplier euraméricain = P. x canadensis Moench.

Issus d'hybridations entre le peuplier noir européen et différentes variétés du peuplier noir américain, plusieurs peupliers appartenant tous au groupe des peupliers noirs sont
plus ou moins répandus en France, où ils forment aujourd'hui I'essentiel des peupleraies de rapport. Ces clones, présentant des caractères intermédiaires par rapport à ceux de leurs géniteurs, sont très difficiles à identifier ; on ne les distingue qu'au printemps par leurs inflorescences (mâles ou femelles), la date de leur foliaison, la couleur des jeunes feuilles et l'aspect des rameaux. Tous ces clones, issus d'hybridations plus ou moins complexes, ont été regroupés, par le botaniste français Louis-Albert Dode (1875-1945), sous le nom de peupliers euraméricains, en une espèce collective et très variable : P. x euramericana ;. nombre est élevé et s'accroît constamment.

Populus x euramencana Dode'l. 214' Guin
Ce nouvel hybride qui a été sélectionné à l'Institut italien de populiculture, à Casale Monferrato, vers 1945, doit son succès à sa très grande vigueur et à sa plasticité qui lui permettent d'accepter des conditions très variées de climat et de sol 'I. 214' est de sexe femelle.
Feuilles. Très précoces et tombant très tard ; jeunes, rougeâtres.
Fleurs. Chatons femelles en longues grappes, donnant peu de coton.
Rameaux.Très anguleux, à lenticelles nombreuses.
Écorce. Lisse, brune, ne se fissurant que tardivement.
Bois. Se déroulant facilement ; utilisé pour la fabrication de la pâte à papier.
(Le Larousse des arbres)



Les Peupliers Populus sp. Salicacées
Source : Bertrand Schatz

Dans son désir d'organiser une nature cultivée, l'homme a perturbé le cycle de reproduction de plusieurs plantes. Par exemple, la vigne présente à l'état sauvage ne présente qu'un très faible pourcentage (moins de 1%) d'individus hermaphrodites (les deux sexes sur un même individu). Pourtant, la vigne plantée par l'homme depuis l'Antiquité sur de grandes surfaces est exclusivement représentée par des individus hermaphrodites dont la production de grappes de raisin est plus importante. Il en va de même pour les peupliers bien répandus dans toute l'Europe et qui sont des espèces dioïques, c'est-à-dire avec des arbres mâles et d'autres femelles. À l'état sauvage, la proportion des deux est équilibrée. Cependant, dans un but décoratif et utilitaire, l'homme a choisi de planter quasiment exclusivement des peupliers mâles. Leur haute taille et leur pousse rapide ont incité l'homme à les utiliser pour marquer les bords de route, des champs ou des cours d'eau. Leurs chatons libèrent au printemps d'innombrables quantités de parachutes cotonneux qui recouvrent et volettent sur les routes bordées de ces grands peupliers. De plus, ils ont la particularité de produire beaucoup de repousses (ou drageons) à partir des racines (reproduction végétative). Cette particularité est utilisée en sylviculture et les arbres plantés sont souvent des clones, ce qui les rend d'ailleurs plus sensibles à différentes maladies. Enfin les peupliers blancs (Populus alba) ont souvent été croisés avec le peuplier tremble (Populus tremula) pour engendrer un hybride nommé peuplier grisard qui est très employé pour la fabrication de la pâte à papier ; le bois de peuplier à la fois léger et stable est aussi utilisé pour la fabrication de charpente. Ces grands arbres paisibles voient ainsi leur reproduction bien perturbée par l'homme qui lui impose sexisme, clonage et hybridation !
Source : Bertrand Schatz



Peuplier (Wikipédia)
Séquençage génétique
Le peuplier (Populus trichocarpa) a été le premier arbre dont le génome a été entièrement séquencé. Il a été choisi pour son « petit » génome qui contient 485 millions de paires de bases (le génome du pin en contient 40 à 50 fois plus) réparties sur 38 chromosomes. L'autre critère de choix a été la capacité de cet arbre à grandir de 5 m par an, permettant d'évaluer efficacement les modifications génétiques. Environ 45 500 gènes codant des protéines ont été identifiés[réf. nécessaire].
En 2007, des chercheurs de l'Université de Washington ont développé un peuplier OGM capable de métaboliser et détruire le trichloréthylène souillant des sites industriels pollués.

Les peuplements naturels
Les différences entre les espèces de peupliers sont aussi importantes qu’il n’y a de similitudes dans la gestion de leurs peuplements naturels. Dans les régions chaudes et sèches ou dans les régions proches du Cercle Arctique, les peupleraies se confinent aux plaines inondables et aux bords de cours d’eau où elles constituent le plus souvent des peuplements étroits (ripisylves) presque purs ou mélangés d'aulnes et de saules, en taches ou rubans sur plusieurs kilomètres.

Dans la forêt boréale et la forêt tempérée, les peupliers sont communément rencontrés soit en formations pures soit en peuplements mélangés.

La régénération asexuée
Dans le passé, la régénération des peupliers (peupliers blancs, baumiers, noirs, trembles, etc.) était probablement principalement conditionnée par :
  • le travail des castors (autrefois présent dans tout l'hémisphère nord) avec notamment le castor géant d'Amérique du Nord, dit castor géant du Nebraska (Castoroides ohioensis), long de 3 mètres qui n'a disparu qu'il y a environ 10 000 ans à la fin de la dernière glaciation) ;
  • les incendies (dans les régions plus sèches) ;
  • les perturbations induites par l'activité et la divagation des cours d’eau (érosions, alluvionnements, inondations…)
  • les perturbations induites par les migrations de grands mammifères (mammouths notamment) qui cassaient et enterraient des branches en favorisant le bouturage.

La régénération sexuée
Moins importante dans le développement de la sylviculture des tremblaies hors vallée, elle est par contre essentielle pour les systèmes forestiers ripuaires. La durée de vie de la graine étant très courte (moins de deux à trois semaines), il est impératif que la période d’ensemencement coïncide avec la fin des inondations. La réussite du semis est conditionnée par un lit d’ensemencement humide, complètement dépourvu d’autres végétaux et bien ensoleillé. Ces conditions sont généralement remplies sur les grèves, atterrissements et terrasses soit érodées par les crues, soit nouvellement créées par les dépôts alluvionnaires. La simultanéité entre la fin des crues et la période d’ensemencement des peupliers est le fruit de longues années d’évolution. Les interventions sur les cours d’eau comme leur détournement, la stabilisation des berges, la création de barrage, les pompages, diminuent voir rendent impossible la régénération naturelle. Bien que les graines puissent se déplacer sur plusieurs kilomètres grâce notamment aux courants de convection (ou en cas de grands vents), la plupart du temps elles se déposent à peine à une centaine de mètres de leurs génitrices.
(Wikipédia)



PEUPLIER BLANC Populus alba Salicacêes
PETITE ETHNOBOTANIQUE MÉDITERRANÉENNE, Lieutaghi, Actes Sud
Une île boisée quasi sauvage du bas Rhône est le décor de Malicroix, des romans les plus accomplis d'Henri Bosco, auteur épris de solitude et de pénombre - celle des bois et des âmes. A maintes reprises, un personnage qualifié de "bouleau" y dresse sa blancheur, inquiétante ou apaisante selon les jours, les nuits. Et l'on se prend à regretter que l'écrivain si habite à déchiffrer le palimpseste des cœurs s'en soit tenu à l'approximation grossière dans la dénomination du végétal, car le bouleau ne pousse nulle part à l'état naturel en région méditerranéenne, sinon sur quelques hautes montagnes. Au bord du Rhône, l'arbre au tronc blanc qui peut révoquer186 est toujours le peuplier blanc.
On est ici dans les marges de la flore méditerranéenne, laquelle est loin de trouver son milieu d'élection au bord des eaux. Même si la canne de Provence, acclimatée de longue date, le laurier-rose ou le gattilier (eux rares à l'état sauvage en France), le cirse de Montpellier ou la belle mauve d'Hyères, Lavatera olbia, attestent qu'il y a bien des plantes à ta fois méridionales et propres aux lieux humides, ceux-ci sont surtout, dans le Sud, des enclaves propices à l'intrusion de la végétation riveraine de l'Europe moyenne.
C'est que les cours d'eau permanents et les zones marécageuses tendent à diffuser à travers tout le continent, et souvent au-delà, une flore unifiée grâce à la constante aquatique. Il s'agit de plantes peu sensibles au comme aux fortes chaleurs, pour lesquelles un approvisionnement constant du sol en eau représente parfois le seul facteur écologique limitant. On trouve ainsi l'aulne, le saule blanc ou la lysimaque commune de Russie septentrionale à l'Afrique du Nord, et plus ou moins loin à l'est en Asie; la menthe aquatique croît du cercle polaire au Maghreb et se retrouve en Afrique du Sud; la salicaire est commune à l'Eurasie et à l'Amérique du Nord. Sur le même mode, des plantes d'affinités montagnardes ou septentrionales, comme l'argousier et le saule drapé, descendent les cours d'eau jusqu'au voisinage de la Méditerranée.
De leur côté, les lieux humides méditerranéens délèguent vers le nord quelques végétaux qui, du moins en Europe, ont plutôt leur optimum écologique au Sud. Beaucoup moins diversifiée que le courant inverse, cette diffusion au fil des fleuves et des rivières intéresse toutefois des plantes capables de grandes extensions, dont les peuplements peuvent décider à eux seuls du paysage de certaines vallées; ainsi des peupliers noir et blanc, celui-ci valant le détour.
Arbitre des élégances ligneuses riveraines, le peuplier blanc est un arbre de grande taille, remarquable à un fût et des branches maîtresses blancs ou gris blanchâtre, d'aspect lisse, contrastant avec un feuillage vert sombre que souligne encore le revers argenté des feuilles, particulièrement éclatant à la pointe des rameaux. Le tronc est habituellement irrégulier; la couronne est large, arrondie ou plane au sommet. Vue de près, l'écorce révèle de nombreuses petites saillies losangiques (lenticelles), qui finissent par s'étirer horizontalement; avec l'âge, à la base du tronc, elle s'épaissit, noircit et se crévasse profondément. Les feuilles, alternes, pétiolées, vert foncé en dessus, sont très variables : jusqu'à 10 cm, palmatilobées et très blanches feutrées en dessous sur les pousses terminales allongées et les drageons; de 5 cm au plus, ± arrondies avec 3-4 grosses dents obtuses et inégales, et devenant grisâtres et peu velues en dessous sur les rameaux courts latéraux. Les fleurs, en chatons pendants, précoces (dès mars), sont dioïques; les femelles mûrissent en capsules ovoïdes où des graines minuscules sont associées à une bourre cotonneuse qui les emporte loin dans le vent.
Grand arbre à la croissance rapide, très drageonnant, le peuplier blanc atteint 35 m de hauteur et 4 m de circonférence (exceptionnellement j'à 40 m, et plus de 7 m) ; il peut vivre trois à quatre siècles. Propre au bord des cours d'eau permanents et lieux humides analogues (bras morts des vallées, étangs, zones marécageuses), il caractérise la ripisylve des principales vallées méditerranéennes, associé à son cousin le peuplier noir187. Habituellement en infériorité numérique auprès de celui-ci, il lui arrive aussi de constituer des peuplements purs, fréquemment issus de drageons. On le rencontre ça et là à distance des eaux, sur les sols frais. La ripisylve à peuplier blanc rassemble surtout les végétaux courants des vallées de l'Europe moyenne forme champêtre, troène, cornouiller sanguin, lierre, etc.), mais on y trouve aussi quelques plantes qui lui sont plus ou moins inféodées, comme l'aristoloche ronde et la grande pervenche.
Le peuplier blanc, surtout méridional en France, se diffuse le long du Rhône et dans le cours inférieur de ses principaux affluents; il a aussi une présence notable dans la vallée du Rhin. Le long de la Garonne, de la Loire, et ailleurs dans l'Ouest et le Centre, il est plus ponctuel, et probablement d'origine introduite. On le retrouve dans le Sud, le Centre et l'Est de l'Europe, en Afrique du Nord et en Asie jusqu'à l'Himalaya. Ce bel arbre a plusieurs variétés cultivées; l'une d'elles, au port fastigié, est fréquente dans les plantations urbaines, sur les aires d'autoroute, etc.
Arbre remarquable s'il en est, certainement connu et nommé bien avant les premières attestations écrites, le peuplier blanc, leuke des Grecs ("le blanc"), est déjà qualifié de populus alba chez les auteurs latins. Ce binôme, qui traverse les millénaires avant d'être validé par Linné, est déjà converti en français au XVIe siècle. Il a aujourd'hui éclipsé l'ancien "aube", lui-même issu d'albus, "blanc". Les parlers occitans, préservés de l'influence de la botanique savante, s'inspirent de la même racine et disent aubo, aubro, aubrio, aubero et variantes.
Le bois du peuplier blanc, comme ceux de ses congénères, est léger (densité souvent inférieure à 0,5 dans le Nord, jusqu'à 0,7 dans le Midi), homogène, clair, mais se distingue de celui des peupliers de grande culture, blanc ou blanc jaunâtre, par un cœur ocre ou rougeâtre contrastant avec l'aubier paie. Autrefois employé en menuiserie commune (portes, mangeoires, parquet grassier, etc.), en charronnage (caisse des charrettes et des brouettes) et en charpente, âme fréquente des placages, il va surtout de nos jours à la caisserie, aux industries du bois déroulé (boîtes à fromage, cageots, contreplaqué commun, etc.) et des panneaux de particules, et à la papeterie (destinations pour lesquelles sont bradés bien des peuplements de vieux arbres). Au IVe siècle avant notre ère, Théophraste dit déjà que c'est un mauvais combustible. Oublié de nos jours par la médecine, tandis que le peuplier noir aux
bourgeons balsamiques, grand remède du passé (onguent populeum), conserve des emplois externes d'astringent et de tonique veineux, le peuplier blanc se voyait attribuer dans l'Antiquité un certain nombre d'usages médicinaux, parfois peu banals, qui perduraient encore à la Renaissance.
L'écorce passait pour diurétique et remède des sciatiques, peut-être sous l'influence du bouleau dont c'est une indication classique. Pour Dioscoride (1er s.), elle a une action contraceptive, propriété qui serait partagée par les feuilles, dont, par ailleurs, te jus tiède soignait les maux d'oreilles.
L'ARBRE A DEUX FACES
Les naturalistes grecs et latins attribuent au peuplier blanc la propriété curieuse de retourner ses feuilles passé le solstice, Inversion qui touche aussi l'olivier. le saule, le tilleul et l'orme (Théophraste, op. cit., l, 10, l, repris chez Pline, op. cit., XVI, 87). C'est que, associant la blancheur parfaite au vert le plus sombre, cet arbre affirme qu'il est, plus que tout autre, de la double nature des végétaux, êtres frontaliers entre nuit et jour, entre saisons, familiers des cycles. Il sait que l'année solaire se renverse et en illustre le décours commençant par un mouvement de feuilles dont il importe peu que le vent d'été soit seul à être sûr.
D'ailleurs, le peuplier blanc est l'un des rares arbres nantis de l'inquiétant privilège de croître aux enfers - avec son cousin le peuplier noir, consacré à Perséphone, la reine des Ombres, et un négatif de cyprès, fantôme blanc dressé près du palais d'Hadès, prince des mondes souterrains. Hadès l'a planté dans les champs Elysées en mémoire de la nymphe Leukê (la blanche"), métamorphosée en peuplier par une Perséphone habile à convertir en végétaux les conquêtes (pas toujours consentantes) d'un époux infidèle. Quand Héraclès, au retour des enfers où il a vaincu Cerbère, se tresse une couronne avec des rameaux cueillis au peuplier de Leukê, les feuilles de cet arbre sont alors d'un noir uniforme: mais celles qui auront touché son front deviendront blanches, prenant la couleur des morts au contact de celui, le plus vivant des vivants, qui a traversé leur empire sans se voir condamné à y rester pour toujours.
Héraclès a-t-il, en revenant au jour, bouturé un fragment de cette couronne, donnant ainsi naissance à l'arbre qui, en Grèce ancienne, partageait, comme te roseau et le laurier, le nom d'une nymphe? Le mythe atteste en tout cas que le peuplier blanc, arbre à deux faces, les tourne semblablement vers les deux non-couleurs qui, dans nos cultures (et beaucoup d'autres), évoquent la mort. Alors que le cyprès, noir du côté des vivants, se fait blanc chez les Ombres, le peuplier semble d'une nature inverse .. sa blancheur procède d'un double noir. Contribue sans doute à la construction de cet imaginaire - réverie des profondeurs où vont les racines des arbres - le fait qu'on regardait le peuplier blanc comme une plante Sans fleurs, stérile, seulement propagée par ses drageons : ceux-ci, par leur grand nombre et leur vigueur, pouvaient suggérer une alliance particulière avec les puissances souterraines.
Il existe en Europe quelques arbres à feuilles très blanches en dessous, Comme le chêne et l'alisier blanc; ils ne partagent pas la situation mythique du peuplier blanc, car celui ci ajoute à sa dualité foliaire une écorce qui l'apparente à la pâleur des âmes et un habitat fréquenté par celles qui sont en peine et cherchent, à la faveur des gués, à entraîner des vivants dans leur désespérance.
L'aube, l'officiant des matins blancs du bord des eaux, perdu dans l'effacement des noms et l'oubli des histoires, nous convie toujours aux belles cérémonies de l'inquiétude sous les moqueries éclatantes du loriot.
186. Sans en avoir nullement le port élancé, la ramure très fine et plus ou moins retombante, le feuillage léger. L'écorce du bouleau blanc, Betula pendula, très lisse (mais également crevassée-noirâtre à la base du fût avec l'âge), se desquame en pellicules aussi minces que du papier à cigarettes. Ses feuilles, triangulaires ou quelque peu losangiques, finement dentées, sont glabres.
187. Arbre très distinct, à l'écorce brunâtre profondément crevassée, d'allure tressée, aux feuilles longuement pétiolées, losangiques ou grossièrement triangulaires. denticulées, glabres, le peuplier noir, Populus nigra, est le constituant majeur des grandes ripisylves méditerranéennes. Il est plus fréquent que le peuplier blanc le long des torrents périodiques et sur les suintements à sec en été. Son aire s'étend jusqu'à la Loire et au Rhin. Un clone mâle au port fastigié, le peuplier d'Italie (P. nigra var. italica) a été largement propagé pour l'ornement (jadis pour son bois) dans une grande partie de la France et de l'Europe.
PETITE ETHNOBOTANIQUE MÉDITERRANÉENNE, Lieutaghi, Actes Sud
comparateur banque

banques ligne

Il n'y a pas de commentaire sur cette page. [Afficher commentaires/formulaire]