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Extrait de "Le livre des arbres, arbustes & arbrisseau", P. Lieutgaghi, Actes Sud

Sureau noir

Sambucus nigra L.
Le latin sambucus ou sabucus a donné, en français médiéval, seil, saû (persistant encore dans le patois du N. de la France), puis seûr et enfin suraut au XIVe siècle (on trouve aussi Suzeau chez quelques auteurs de la Renaissance).
Le Sureau croît dans les bois frais ou un peu humides (frênaies des fonds de vallées), sur les lisières, dans les haies, au bord des rivières, plus communément encore sur les terres remuées, riches en azote, au voisinage des villes, des villages, des fermes où, familier de l'homme depuis des millénaires, il prospère insolemment sur les décombres, les ruines, les décharges, les remblais et les friches. Il a été souvent planté pour ses fruits ou, comme le Figuier, pour son influence bénéfique. Cette essence des basses et moyennes altitudes, s'élevant rarement à l'état spontané dans l'étage du Hêtre et du Sapin (mais fréquent autour des lieux habités, en montagne), est commune dans toute la France et la Corse, dans la plus grande partie de l'Europe... Les oiseaux, très friands de ses baies, ont favorisé son extension (c'est un des rares ligneux des petites îles de l'Ouest de la France : Ouessant, Groix etc ).
Le Sureau est ordinairement un arbrisseau touffu, aux branches incurvées et un peu retombantes, épaissi par les nombreux rejets droits et robustes jaillis de la souche, formant une grosse boule d'un vert cru. Parfois il s'élève et se dégarnit du pied, devient un petit arbre au tronc tors, à la cime arrondie. Sa foliaison et très précoce, sa floraison assez tardive : juin-juillet. Il se signale alors de très loin à l'attention du promeneur par une odeur puissante, spéciale, jugée désagréable par ceux qui ne l'ont pas découverte, atténuée, dans les premières nuits de l'été, à la saison et à l'heure miraculeuses où les plantes cessent enfin d'être muettes et trouvent un langage d'effluves pour dire leur plaisir d'éclore. Des corymbes blancs, larges de 1 à 2 dm, sont les coupes lourdes de ce parfum. En août septembre, les fleurs se sont muées en perles d'un noir pourpré, pleines de jus vineux, sucrées mais à l'arrière saveur vireuse.

USAGES
Comme la plupart des arbres à baies comestibles largement répandus en Europe, le Sureau noir est connu et usité depuis un temps immémorial. Les fouilles des cités lacustres livrent souvent ses graines en abondance. Les palafittes d'Annecy, qui datent de l'âge du cuivre (vers 2500-1800 avant J-C), dont la flore a été étudiée par Ph. Guinier en 1908 Cop. cil. a "Chêne"), en renferment tant que les fruits auraient pu, suppose-t-on, avoir été récoltés pour la fabrication d'une boisson ou la teinture récoltés pour la fabrication d'une boisson ou la teinture des tissus (F. Bourdier, op. cit., 1962). Les hippocratiques (IVe siècle avant J.-C.) attribuaient au Sureau des propriétés laxatives et diurétiques. Théophraste le décrit sous le nom d'aktê. Dioscoride le distingue fort bien de l'Hièble (qu'il nomme chamaeaktê, "petit aktê") et reconnaît aux deux plantes des vertus identiques : leurs fruits sont diurétiques mais nuisent à l'estomac ; leurs feuilles "cuytes et mangées comme les autres herbes pottagières servent à évacuer les flegmes et la colère" (c'est-à-dire la pituite et la bile) ; à l'extérieur, elles sont résolutives et s'emploient sur les brûlures, les ulcères, les morsures de chiens, etc. ; leur racine, en décoction dans du vin, est diurétique (hydropisie), antidote des morsures de serpents, emménagogue. Le Moyen Age et la Renaissance ajoutent fort peu de choses à ces indications premières, la plupart très justes, sinon des recettes magiques, quoique certains auteurs précisent alors les plus importantes d'entre elles. Jusqu'à nos jours, dans les campagnes pauvres, le Sureau est resté un arbre aux multiples usages. Son fruit, baie à sirops et à confitures, oublié dans nos pays de surabondance, est toujours estimé dans le nord et le centre de l'Europe, en Espagne, etc.

Propriétés médicinales
Presque toutes les parties du Sureau noir, écorce, feuilles, fleurs et fruits sont usitées en phytothérapie. C'est l'un des arbres médicinaux les plus utiles de nos pays. L'écorce interne des rameaux, ou "seconde écorce", pellicule verte et vive sous l'écorce extérieure liégeuse, morte, est à l'état de fraîcheur, la partie la plus active de la plante. La dessiccation lui fait perdre la plus grande partie de ses pouvoirs. On la récolte au besoin en dépouillant les rameaux de leur écorce externe, puis en raclant le bois sans l'entamer, à l'aide d'une lame peu tranchante. Très riche en nitrate de potasse, l'écorce de Sureau est puissamment diurétique. Diverses substances, dont une résine particulière, expliquent ses effets laxatifs. Elle contient en outre un alcaloïde, la sambucine, et, en très petite quantité, un alcaloïde identique à la cicutine de la Grande Ciguë ; ces toxiques, qui paraissent à l'origine de ses propriétés analgésiques et sédatives, peuvent rendre dangereux l'irrespect des doses thérapeutiques. L'écorce de la racine, préférée par les vieux médecins, a des propriétés analogues.
Tous les anciens praticiens ont mis l'écorce fraîche de Sureau au premier rang des purgatifs et des "hydragogues". La décoction de 20 à 30 g de cette écorce dans 1/2 l d'eau ou de lait, bue à jeun en 3 ou 4 prises, a des effets laxatifs rapides et sûrs, qui ne s'accompagnent d'aucune douleur abdominale (elle se montre toutefois assez rapidement vomitive ; certains ne peuvent tolérer son goût désagréable). Mais la plante est surtout précieuse dans les hydropisies, les affections liées à un mauvais fonctionnement des reins. "Le Sureau seiche et fait sortir les superfluitez aqueuses du corps (...). La racine cuite et baillée aux hydropiques pour viande [= aliment] leur ay de beaucoup", écrivait Leonhart Fuchs dans son Histoire des plantes (1549). Dodoens, Pierre de Forest, Jean Bauhin, Boerhaave, Sydenham et bien d'autres médecins célèbres en ont aussi fait grand cas. Martin-Solon, au siècle dernier, prescrivait le suc exprimé de l'écorce de la racine à la dose de 15 à 60 g par jour et "a vu des cas non équivoques d'ascite guéris par ce moyen". Cazin (1850) administrait la décoction énoncée plus haut et un "vin de Sureau" (macération, pendant 24 h, de 10 g de seconde ecorce dans l l de vin blanc), à la dose de 60 g par jour progressivement augmentée jusqu'à 1/2 l (en 4 à 5 fois)'. Ces préparations sont efficaces dans les diverses formes d'hydropisie : ascite anasarque épanchements articulaires, ainsi que dans la rétention d'urine, la néphrite aiguë avec œdème (Pr G. Lemoine, 1890), la néphrite chronique, les rhumatismes. Contre cette dernière affection, H. Leclerc et R. Verley-Leclerc (1954) associent, dans le sirop suivant, les vertus diurétiques et légèrement analgésiques de l'écorce aux propriétés sédatives des fleurs et des baies :
Sirop antirhumatismal : faire bouillir 3 poignées d'écorce de Sureau dans 1/2 l d'eau, à feu doux, jusqu'à réduction de moitié ; laisser infuser 12 h en remuant de temps en temps ; passer à travers un linge. D'autre part, faire infuser 50 g de fleurs sèches et 50 g de baies dans 1/2 l d'eau bouillante, pendant 20 mn ; passer en exprimant ; ajouter du sucre au liquide obtenu dans la proportion de l 500 g pour 1 l et faire réduire jusqu'à consistance de sirop, à feu doux. Ajouter alors progressivement la décoction d'écorce et ramener à la consistance de sirop. 3 à 4 cuillerées à soupe par jour.
La "teinture mère" de plante entière qu'on peut se procurer chez le pharmacien s'utilise comme diurétique dans tous les cas d-dessus, et spécialement comme analgésique dans la sciatique, les douleurs dentaires, les névralgies, spécialement la névralgie du trijumeau (ses effets sont alors voisins de ceux de la Ceinture ou de l'alcoolature de Grande Ciguë).
Son usage est à conseiller à ceux qui ne peuvent se procurer la plante fraîche, qui n'auraient pas le temps d'en faire les préparations ou qui ne supporteraient pas le goût désagréable de ces dernières (10 gouttes dans un peu d'eau 5 à 6 fois par jour aux adultes ; 1/2 dose aux enfants).
On a utilise, à ['extérieur, un onguent composé d'écorce fraîche, pilée et cuite dans du saindoux, sur les dermatoses d'origine parasitaire. L'huile où avait macéré cette écorce était considérée, autrefois, comme l'un des meilleurs remèdes des brûlures. Les feuilles fraîches, les jeunes pousses feuillées, ont tous les usages de l'écorce*. Les paysans se purgeaient, jadis, en mêlaint une petite poignée à la salade ou en buvant leur décoction dans du petit lait frites au beurre gybroyées avec du miel, elles sont, au dire de Cazin, un "excellent moyen" de combattre la constipation des vieillards. Leur décoction (20 à 30 g par litre d'eau ou, mieux, de petit lait ; réduire de moitié) est spécialement diurétique et a les effets bénéfiques des préparations à base d'écorce dans les hydropsies, les rhumatismes, etc. Les feuilles, récoltées au début de la floraison, séchées à l'ombre et pulvérisées, paraissent, toujours au témoignage de Cazin, avoir
à l'inverse des feuilles fraîches une action antidiarrhéique remarquable : "Ce remède, que je tiens d'une dame charitable, écrit-il en toute humilité, m'a réussi dans trois cas de diarrhée chronique, dont l'un durait depuis des mois et avait résisté à l'emploi de tous les moyens rationnellement indiqués" (1 à 2 gde poudre de feuilles sèches en infusion pendant 12 à 15 h dans 120 g de vin blanc ; à prendre chaque matin jusqu'à la guérison*).
A l'extérieur, les feuilles fraîches, broyées, ont été employées empiriquement pour calmer la douleur des hémorroïdes (avec addition d'un émollient), comme résolutives des engorgements laiteux, etc. Leur suc passait pour un "topique souverain" contre les plaies atones, les ulcères, certaines dermatoses ; on l'a employé en gargarisme dans les angines et les ulcérations de la bouche. La poudre des feuilles sèches, aspirée dans les narines, ferait cesser rapidement le saignement de nez. (Fleury de la Roche).
Les fleurs fraîches possèdent, légèrement atténuées, les propriétés de l'écorce et des feuilles fraîches. On les utilise surtout sèches. On les cueille au moment de leur plein épanouissement, en juin - à midi de la Saint-Jean, s'accordent à dire les vieux recueils de recettes - on les sèche promptement, à l'ombre, en un lieu sec, aéré, tiède, étalées en couche mince sur des toiles ou un fin grillage où on les remue fréquemment. La dessiccation les fait jaunir légèrement et atténue beaucoup leur odeur vive. Les fleurs brunies par un séchage défectueux ont subi un début d'altération et doivent être rejetées.
Les fleurs sèches de Sureau sont puissamment sudoriles. tout en consentant une bonne part du pouvoir diurétique qu'elles ont à l'état de fraîcheur. On les administre dans tous les cas où il est nécessaire d'exciter l'excrétion cutanée, dans la grippe, les affections aiguës des voies respiratoires, les maladies éruptives, les rhumatismes. "J'ai vu des campagnards faire avorter la bronchite, l'angine, la pleurésie et même la pneumonie par une transpiration provoquée au moyen d'une forte infusion de fleurs de Sureau prise abondamment", écrit Cazin. Depuis des siècles, cette infusion passe pour un bon remède des dermatoses et de Vérysipèle (les vieux auteurs préféraient la décoction dans du petit-lait et surtout les "esprits", les "eaux distillées" de fleurs de Sureau, considéré comme le spécifique de cette maladie). A l'infusion sudorifique (10-30 g par litre d'eau bouillante), prise à l'intérieur, il est très utile d'associer, dans les affections cutanées, des lotions de la même préparation plus concentrée (100 g par litre). Les fleurs sèches de Sureau passent encore pour galactogènes.
A l'extérieur, les fleurs sèches sont émollientes, adoucissantes, résolutives. Outre leur usage dans les dermatoses, on les emploie en collyre dans la conjonctivite ( pour en savoir plus, rendez- vous sur : https://yeux-secs.fr/ ) et les ophtalmies chroniques (infusion simple ; on peut mêler fleurs de Sureau et fl. de Camomille). Les fleurs fraîches, plus énergiques, conviennent, en décoction. sur les engorgements œdémateux, les plaies torpides, les ulcères, les brûlures, les inflammations vives.
Les fruits sont laxatifs (purgatifs à haute dose), diurétiques, sudorifiques, et spécialement analgésiques. On prescrit leur suc dans les douleurs rhumatismales, le rhumatisme articulaire aigu, la sciatique, les névralgies (cf. les indications de la teinture énoncées plus haut). Le suc frais ne peut naturellement être employé qu'à la maturité des baies. On en prépare, pour la conservation, un extrait, le rob de Sureau, qui figurait jadis dans le droguier domestique de bien des demeures riches ou pauvres. La pharmacopée de Madrid conseille de le préparer en faisant cuire ensemble 1 partie de jus de baies bien mûres pour 2 parties de miel, jusqu'à consistance de sirop. On en prend de 10 à 60 g par jour. C'est un assez bon sudorifique, un antinévralgique qu'il est conseillé d'absorber dilué dans l'infusion des fleurs de la même plante (à défaut, dans du Tilleul). La conservation en altère assez vite les propriétés.
En Espagne, au XVIIIe siècle, le "rob de sureau" était "la vraie panacée des paysans" (J. Quer, Flora esp., t. 6, p.246). On en prenait au début de toutes les maladies. Pour preuve de la haute valeur du Sureau, Quer parle d'un vieillard mort à 120 ans, qui attribuait à l'usage quotidien du "rob" non seulement sa longévité exceptionnelle mais encore sa sauvegarde lors de plusieurs épidémies de peste.
Les baies de Sureau seraient vénéneuses pour les poules.

Emplois divers
Les baies sont récoltées pour la confiture dans le nord de l'Europe, en Suisse, en Espagne, etc. J'ai bu, dans les Pyrénées, un sirop de baies préparé à la façon du rob et qui, coupé d'eau, était assez agréable et désaltérant. Sans doute ne faudrait-il pas abuser de ces préparations qui conservent naturellement les propriétés laxatives et diurétiques des remèdes tirés par ailleurs de la plante. Sous le nom de "vin de Fismes", le rob a servi à colorer, sinon à falsifier les vins. Du suc des baies, fermenté, on tire par distillation une eau-de-vie d'un goût paraît-il détestable. Ce jus très coloré, qui tache les doigts mieux que celui des mûres, a dû servir très tôt (peut-être dèsïâge^du cuivre ; voir plus haut) à teindre les étoffes. Dambourney (1794) a obtenu, en faisant bouillir dans de l'eau 100 g de fruits murs, cueillis depuis huit jours et commençant à fermenter, un bain pourpre vif dans lequel, en 3 h de bouillon, 4 g de laine apprêtée ont pris "un beau gris très bleuâtre, tellement solide que trois mois d'exposition à l'air, au soleil et à la pluie, ne l'ont point dégradé". Les fleurs sèches donnent elles-mêmes "un muse (= brun) inaltérable à trente heures d'immersion dans le vinaigre".
Le vinaigre surard (ou surat), à la fois condiment, eau de toilette et remède, s'obtient par macération de 10 g de fleurs sèches de Sureau dans 1 l de bon vinaigre pendant 15 jours. Encore estimé pour l'assaisonnement en quelques régions, ce vinaigre passe pour plus sain que le commun. Pris à la dose d'1 à 2 cuillerées à café dans une infusion appropriée, il a les usages de l'infusion des fleurs. Le vin où l'on fait infuser les inflorescences séchées du Sureau prend un excellent goût de muscat ; l'addition de sommités de Sauge Sclarée rend la contrefaçon encore plus trompeuse. A Forcalquier (B.-A.), on faisait cuver le vin blanc en ajoutant au moût des fleurs de Sureau (Lucien Henry). Les pommes enfermées dans des boîtes hermétiques entre des lits de fleurs de Sureau séchées se conservent longtemps et prennent une saveur voisine de celle de l'ananas.
Les feuilles sont insectifuges et peut-être insecticides (Murray avait déjà remarqué que le voisinage des Sureaux préservait les fruitiers des chenilles). Leur décoction concentrée est efficace en pulvérisations contre les pucerons, les cochenilles. les chenilles de Lépidoptères, les fourmis, les punaises, etc. Il est souhaitable que des recherches précisent ce pouvoir du Sureau qui pourrait trouver place dans la lutte biologique contre les parasites des cultures.
Bois
Le bois du Sureau n'est pas, comme on le croit souvent, à l'image de celui des rameaux et des rejets, léger, mou, rempli de moelle. C'est un bois assez dur et assez lourd (0,56-0,69, d'après Mathieu), très homogène. Son coloris jaune clair et la finesse de son grain l'ont fait rechercher autrefois par les tourneurs et les tabletiers. On en a fait des stéthoscopes, des plessimètres, des objets de toilette, etc. Il se tourmente beaucoup et doit être employé parfaitement sec. Les rejets de 2 ou 3 ans font des tuteurs et des échalas assez durables. Tous les enfants de la campagne savent faire des sarbacanes avec les rameaux débarrassés de leur abondante moelle. Cette dernière est indispensable aux biologistes pour la préparation des coupes minces destinées à l'observation microscopique : on place dans ses bâtonnets évidés ou fendus des organes végétaux ou animaux trop petits ou trop mous pour être passés au microtome sans un maintien artificiel.
Culture
Elle est forte simple : "Le Sureau, écrit Olivier de Serres, s'enracine très facilement de branche..."

Le livre des arbres, arbustes & arbrisseau, P. Lieutgaghi, Actes Sud

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