<< M. René SERIEYS AcTeurs  


Questions posées à Mr. Pierre LAURENCE, ethnologue rattaché au service du patrimoine culturel au conseil général de l’Hérault.


Quel est votre mission au sein du conseil général de l’Hérault ?

Je suis ethnologue, dans le département culture, au service du patrimoine culturel. Je suis chargé de la partie immatérielle du patrimoine et je m’occupe aussi de la culture occitane depuis peu.

Qu’est-ce qui vous a poussé à vous intéresser au patrimoine culturel ?

J’ai commencé par collecter de la musique traditionnelle il y a fort longtemps, dans une association, où j’étais objecteur de conscience. Puis, j’ai été responsable d’archives sonores dans un organisme qui s’appelait l’ODAC (Office départemental d'action culturelle), qui était un organisme extérieur du Conseil général, qui a ensuite été intégré au conseil général. Actuellement je ne m'occupe plus des archives. J’ai fais ensuite une formation d’ethnologue à l’Ecole de hautes études en sciences sociales.

Connaissez-vous l’origine du pastoralisme en Languedoc Roussillon ?

Le pastoralisme est venu du Moyen Orient. La domestication s’est faite sur place au 11 000 Av.-JC. Elle s’est ensuite étendue vers la partie ouest du continent européen, aux alentours de de 6300 Av.-JC.

Connaissez-vous des légendes en rapport avec le métier d’éleveur berger ? des anecdotes mordantes etc. ?

Le berger a toujours eu une place dans les contes populaires, à la fois respecté et craint. Ils étaient considérés comme des personnes un peu à part de la société. Cette isolement à suscité beaucoup d'interrogations.
Par contre, des bergers ont marqué la mémoire des gens, de part leur investissement dans la région. Ce fut le cas notamment de Mr. Carrières dans les années 70, qui était entrepreneur de transhumance, et de bien d’autres encore.

Y a-t-il des superstitions particulières qui planaient sur l'image des bergers ?

On ne peut pas trop parler de superstitions mais plutôt de savoirs. Par exemple, l’utilisation de techniques pour donner des soins aux brebis comme les bouquets pendus dans les bergeries pour éviter telle ou telle infection, de conjuration transmises par secret etc. Ces savoirs pouvaient être considérés par un regard extérieur, comme des pratiques magiques et perçues avec une certaine ambiguïté.

Pour quelles raisons les sonnailles ont-elles étaient confectionnées ? Y a-t-il une origine particulière ? Le son a-t-il une importance ?

Le son a une grande importance. Chez les bergers transhumants les sonnailles ont une grande place. Elles ont chacune une forme bien particulière avec un son recherché. Chaque région a son type de sonnaille. C’est vraiment un lien avec le troupeau qui est technique, affectif, esthétique et pratique : les sonnailles permettent de repérer les bêtes. En garrigue un son très uniforme est recherché tandis qu’en Provence c’est l’inverse. Les bergers font souvent l’effort de bien sonnailler leurs brebis en y mettant une somme d’argent non négligeable. C’est un signe de générosité vis-à-vis du troupeau. Bien ensonnailler un troupeau relève d’un réel savoir-faire respecté et reconnu en tant que tel dans la profession.

Que pensez-vous du déclin du pastoralisme au cours de ces dernières décennies ?

C’est dramatique à plusieurs niveaux parce que c’est une perte environnementale dans la mesure où il y a une régression des milieux ouverts, c’est aussi dommage au point de vue économique et aussi une perte au niveau culturel.

Quelle a été l’évolution de l’image du berger depuis la fin du XIXème siècle ?

Au XIXème siècle cette image était ambivalente : c’était à la fois le savant et l’idiot car il avait du savoir et en même temps on pensait que garder des brebis ne demandait pas de grosses capacités. Il n’allait pas à la messe le dimanche. C’était forcément quelqu’un à part qui, de plus, demeurait souvent célibataire.
Les bergers descendaient généralement de « la montagne » (Aveyron, Cévennes ou Lozère), on les appelait les «gabatches ». Ils avaient des pratiques culturelles, des goûts, des habitudes, un parler différents des gens de la plaine.
Puis, l’image de la profession s’est beaucoup dégradée au fil du temps. Elle a été déclassée car en marge des modes de vie contemporains. A l’époque de la grande modernisation de l’agriculture dans les années 60, on voulait faire disparaître les brebis car on pensait que ce type d’élevage traditionnel n’était pas rentable. Il y a eu une certaine déconsidération de ce métier, qui demeure parfois encore aujourd’hui.
Inversement on assiste aujourd’hui à une survalorisation de l’image du berger ; tous ces « bergers de carte postale », qui contribuent à l’ entretien d’un aspect révolu et passé. Il y a aussi cette image récente, plus positive du berger qui entretien le paysage, prévient les incendies par son activité.

Pensez-vous que des fêtes comme la fête de la transhumance peuvent à nouveau refaire naître le pastoralisme en garrigues languedociennes ? Sont-elles nécessaires pour l’élaboration d’une nouvelle dynamique ?

Moi en tout cas j’essaye de faire connaître au public ce qu’est un élevage transhumant aujourd’hui. Dans la fête, les gens s’identifient à ce métier, le temps d’une journée. Malheureusement, l’image que l’on donne actuellement du métier d’éleveur berger transhumant est, comme on l’a dit, plutôt sous forme « carte postale », c'est-à-dire révolue. Alors, il faut se servir de ces journées comme outil de communication d’une réalité contemporaine plus complexe. Il faut aussi essayer d’ouvrir à d’autres cultures pastorales, notamment d’autres régions de la Méditerranée.
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