<< M. Dimitri SERVIERES AcTeurs M. Pierre Laurence >>


Interview réalisée le 24/03/09 en compagnie de Mr. René SERIEYS, éleveur berger à la retraite, situé à Vendémian.
Lorsque je suis arrivé aux abords du village de Vendémian, Mr SERIEYS était avec une partie de son troupeau (seulement les brebis avec leur agneau, qui effectuaient alors leur première sortie) et son border collie.

Vous trouverez ci-dessous les fichiers audio et le compte rendu de cet échange (La qualité du son est parfois médiocre à cause du vent).


Introduction-Contexte-Difficultés générales


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Evolution du nombre d'éleveurs-Et les jeunes dans tout ça ?-La transhumance


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Milieux pâturés-Aides (subventions)-nombre de brebis et race, surfaces exploitées, bergerie-production et vente des agneaux...


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...-les abattoirs-La laine-Le migou


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Emploi du temps-Conflits d'usage


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Les plantes appréciées par les moutons et leur nom local


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L'évolution de la vision des jeunes sur le métier de berger


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Les soins dispensés-Bilan sur la vie de berger


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Quel âge avez-vous ?

J’ai 65 ans

Avez-vous toujours fait ce métier ?

Oui, depuis toujours

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire ce métier ?

D’abord mon père avait des troupeaux à l’époque. Puis, pour diverses raisons, il a arrêté. J’ai alors eu le goût et l’envie d’avoir des brebis à ce moment là. Il faut forcément avoir une passion. Je dirais même que ce n’est pas une passion, c’est une vocation. C’est un métier qui ne s’apprend pas. Ou on l’a ou on ne l’a pas, c’est tout.

Quelles étaient les difficultés au début lorsque vous avez débuté ?

En priorité, c’était les difficultés financières. J’ai commencé sans argent et j’ai acheté des brebis à crédit. Il y avait déjà un éleveur sur la commune qui était installé et connu de tout le monde. Je suis arrivé là un peu comme un cheveu sur la soupe malgré le fait que j’étais né à Vendémian ! Le principal problème était de trouver des terres susceptibles d’accueillir mes brebis, je n’avais pas de surface précise. Petit à petit, j’ai fais ma place, lorsque le berger en question à arrêté et quand les gens commençaient à bien me connaître.

Quelles sont-elles aujourd’hui à l’aube de votre retraite ?

Elles sont bien plus nombreuses mais pas du tout les mêmes. Le problème foncier n’est pas vraiment réel car maintenant j’ai à peu près toutes les terres des alentours puisqu’il n’y a plus de troupeaux nulle part. Les plus grosses difficultés maintenant c’est de trouver à vendre le produit. Il y a aussi les problèmes sanitaires, on nous oblige à vacciner contre de nombreuses maladies comme la tremblante, la fièvre catarrhale etc. Il y a aussi le problème de la traçabilité et puis aussi les aléas du temps. La plus grosse difficulté c’est de vendre le produit à prix correct.

Avez-vous fait une formation lorsque vous étiez jeune pour devenir éleveur berger ?

Non, aucune.

Connaissez-vous le nombre d’éleveurs actuels dans la région des garrigues languedociennes ?

Rien que sur le Causse D’Aumelas (Rayon de Villeveyrac, Poussan, Cournonterral, Fabrègues, Montpellier) quand j’ai débuté en 1960 environ, il y avait quarante troupeaux. Maintenant on est cinq : Moi, mon fils, Mr. Saltel, Mr. Cruez et Mr.Deloustal. Il y avait quelques troupeaux vers Villeveyrac, Poussan. Maintenant il y en a plus vers Saint-Martin de Londres, Ganges. Il y a en a à Viols, au Causse de la Selle, aux deux Rouet etc. mais après je ne sais pas trop.

Est-ce que vous connaissez des jeunes qui souhaiteraient devenir éleveur berger ?

Non, je n’en connais pas. Les seuls qui seraient intéressés risquent fort d’être découragés. On ne trouve plus de jeunes intéressés. Ils n’ont plus cette envie. Pourtant, j’en ai eu des stagiaires, mais jamais je n’ai trouvé le bon. Les trois quart du temps cela vient des parents, de l’éducation. Maintenant les jeunes il ne faut pas qu’ils se fatiguent, il faut qu’ils dorment, il faut qu’ils se reposent, ils ont droit à tout, ce n’est pas comme ça qu’on les aidera. C’est une génération désœuvrée, saturée de tout. Plus rien ne l’est intéresse, plus rien ne leur fait plaisir. Moi je m’amusais à faire des carrioles avec des fils de fer et des boîtes de sardines, j’étais heureux simplement… bon, on ne va pas refaire la vie mais enfin… regardez les jeunes aujourd’hui. C'est sûr, c’était une autre époque, peut être je serais venu aujourd’hui j’aurais fais comme eux ou eux auraient fais comme moi... mais quand même, non, là s’est allé trop vite.

Lors de la transhumance, où partez-vous ?

Moi je vais sur le Larzac, vers la Pézade. Quand j’étais plus jeune, j’allais en Lozère, j’allais dans le Gard, du côté de la Nuijol. Je mets trois jours pour aller sur le Larzac. Je monte début juin et je descends fin octobre.

Quels sont les terrains fréquentés ? Ouverts, sous-chênaie ?

Beaucoup de garrigues basses surtout.

Aviez-vous des aides lorsque vous étiez éleveur ? Lesquelles ?

Oui. J’en ai toujours d’ailleurs. La prime à l’herbe on me l’a supprimé car j’ai plus de 60 ans. Le troupeau est sur le nom de ma femme. On lui a supprimé la prime à l’herbe puisqu’elle a plus de 60ans aussi. Je ne comprends pas trop parce que la prime à l’herbe qu’on est 60 ans ou 65 ans, je pense que les moutons ça fait le même boulot ! Enfin bon, c’est comme ça.
Ce que je touche actuellement c’est la prime à la brebis découplée avec la prime surface sur 5 ans.

Quel type d’exploitation possédez-vous ? Bergerie bâtie en dur… ?

C’est une bergerie en dur, classique, en cairon.

Combien possédez-vous de moutons ? Pour quelle surface de terrain ?

En tout, j’en ai 400 pour une superficie de 700 hectares (transhumance comprise). Là où je transhume, c’est une exploitation que je loue en fermage et qui fait partie de mon exploitation. Ce n’est pas un contrat d’herbe.

Quelle est la race de vos moutons ?

C’est la caussenarde des garrigues.

Que produisez-vous avec vos moutons ? Vous vendez les agneaux à qui  et pourquoi ?

Surtout de l’agneau léger qui part à l’engraissement soit en France, en Espagne ou en Italie. Je ne vends plus les agneaux aux maquignons car il n’y en a plus maintenant. Je les vends aux groupements et un peu à la filière maghrébine. Il faut bien préciser que on peut vendre les agneaux vivants aux maghrébins en établissant une autorisation de bon de transport et en mentionnant que le gars doit aller à l’abattoir. On marque le nom du gars qui l’achète, le numéro de l’agneau, le numéro de la voiture etc. Si il se fait attraper en train de l’abattre n’importe où, ce n’est pas de notre ressort. On n’a pas le droit de les abattre nous ou de les laisser abattre chez nous. Le problème de l’abattoir est réel. Il n'y en a que deux : à Pézenas et à Baillargues. Le problème c’est que le jour de l'Aïd, il n’y a pas de place souvent. En plus, de part leur religion, ils préfèrent l’abattre à une certaine heure etc. ce qui complique les choses. A part ça, on n’a pas de problème pour les vendre, au contraire, on en vendrait beaucoup plus.

Valorisez-vous la laine ?

Pas du tout non.

Et le migou ?

Oui, un peu, pour les petits jardins mais pratiquement pas pour la vigne. En sac, on arrive à en vendre un peu.

Quel était votre emploi du temps quotidien et encore aujourd’hui ?

Il est presque tous les jours le même. Le matin je me lève et en ce moment, je laboure, je sème. Sinon je commence toujours par aller à la bergerie, je soigne les bêtes et leur donne à manger puis je pars deux à trois heures au champ. A partir du 15 avril jusqu’au 15 juillet, c’est les foins. A l’automne, c’est les semences. Il faut alors travailler un mois tous les matins. Tout le reste de la journée je garde les brebis. En rentrant le soir, je trie les mères qui ont les agneaux, les agnelles etc. pour 1h à 1h30 de boulot.

Sentez-vous des tensions lorsque vous faites la transhumance ? Chiens, usagers, clôtures… ?

Non pas spécialement, mais surtout des gens de plus en plus surpris de trouver un troupeau sur la route. Il faut surtout expliquer aux gens car il y en a qui ne comprennent pas pourquoi on garde les brebis à tel ou tel endroit. Quand on leur dit que l’on paye pour rester sur un terrain, ils ne comprennent pas. Ils croient que tout est libre d’accès.
Les clôtures ne sont pas un problème en soi. Le plus mauvais ce sont les fils barbelés car ils blessent les brebis.

Au niveau des soins apportés aux moutons quels sont-ils ?

Il y a la vaccination obligatoire contre la fièvre catarrhale sur la totalité du troupeau. La prise de sang pour la brucellose s’effectue sur 25% du troupeau à condition que le troupeau soit indemne de brucellose au moins pendant trois ans consécutifs. Il faut aussi faire des recherches sur la tremblante sur les béliers reproducteurs. Il y a les traitements par voie orale pour les problèmes digestifs : le tænia chez les agnelles, la petite et grande douve etc. On les douche contre les maladies de peau aussi. C’est sûr que c’est cher, ça a un coût et on hésite de plus en plus à le faire. Il y a aussi les soins particuliers.

Connaissez-vous les noms locaux des plantes que les brebis apprécient ?

Elles apprécient l’herbe cultivée comme la luzerne (la auserda), le thym (la frigola), lorsqu’il n’y a pas autre chose, la centaurée des collines (la cabassauda), l’aphyllante de Montpellier (lo bragalon), elles aiment aussi les glands (l’apèch), une sorte de regrat (lo mergal) que l’on retrouve dans les vignes, le pissenlit (lo pissalach).

Lors de la transhumance, lorsque vous changez de nature de terrain, les brebis ont-elles du mal à s’adapter ?

Oui, quelquefois, quand on arrive là haut sur le plateau, surtout les années où il y a de l’herbe, l’herbe des fois est plus riche, plus nourrissante, plus fraîche qu’ici et on a parfois des problèmes avec des brebis qui mangent trop et qui ont de l’entérotoxémie (inflammation des intestins) car l’apport est un peu plus riche.

Qu’aimeriez-vous dire vis-à-vis de ce que vous avez pu vivre au cours de toutes ces années passées au côté des moutons ? Qu’est-ce que vous en retenez ?

Moi j’en retiens d’abord que ça m’a permis quand même de faire un travail que j’aimais, c’est le premier point. Que j’ai choisis, que j’aimais et que j’ai fait avec passion. C’est un métier vivant, on vit avec les bêtes aussi bien qu’avec une famille, on les suit, on les élève… Maintenant, je retiens que moi personnellement, je ne me plains pas d’avoir choisi ce métier car malgré toutes les contraintes que cela peut avoir et les obligations que ça mène, il y a quand même des satisfactions.
Maintenant c’est sûr qu’il y a beaucoup de contraintes que je ne ressentais pas quand j’ai démarré, d’abord peut être parce que j’étais jeune. Mais bon maintenant, avec le passé et au bout de certaines années, je me rends compte que finalement c’est quand même un travail où il y a des obligations, il faut être là tous les jours. Même en aimant les brebis, même en aimant son boulot, en le faisant avec plaisir, on finit par dire « aujourd’hui j’en ai marre, je n’ai pas envie d’y aller » et il faut y aller ! Ce n’est pas comme un autre boulot, on n’a pas le droit d’être malade, on n’a pas le droit d’avoir une vie de famille comme tout le monde. Il faut d’abord, ou être célibataire ou avoir une femme qui comprenne. A partir de là, s’il n’y a pas ces deux conditions, on ne peut pas faire berger. Une femme de berger doit en plus faire un boulot supplémentaire, lorsque il faut nourrir tous les gens qui aident pour la tonte, quand il faut partir en transhumance, faire à manger, garder les enfants etc. Nous on le vit autrement parce qu’on est avec les bêtes, on comprend le boulot, on sait qu’il faut y être, mais ce n’est pas toujours évident une femme qui le comprenne. A l’époque, une femme acceptait plus. Maintenant les jeunes ont des difficultés à ce niveau là.
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